( IL SAGGIO )


Eros et sacré
Sociétés, religion et éthique sexuelle
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Abderrahim Lamchichi

«Qu’il me baise des baisers de sa bouche car ses étreintes sont meilleures que le vin…» (Cantiques des cantiques).
«Ce n’est pas un vin de vertige qui m’enivre, mais son regard, et sa marche ondulante a chassé mon sommeil. Ce n’est pas le sang de la treille qui me distrait, mais sa chevelure. Ce n’est pas le vin clairet qui me soulève, mais ses vertus si belles. Mon âme se noue aux boucles de sa tempe. Et je perds la raison en pensant à ce que voile sa tunique» (La Volupté d’en mourir, Traduction inédite d’un conte des Mille & Une Nuits (153 à 169) par Jamal Eddine Bencheikh, Editions Alternatives, 2001 ; p. 38).«Je pratique la religion de l’amour. Où que se tournent ses chevaux : Partout c’est l’amour qui est ma religion et ma foi» (Ibn al-‘Arabî, Turjumân al-‘ashwâq –L’Interprète des désirs–, poème traduit par A. Tlili, Beyrouth, 1961).

Dans un monde arabo-musulman trop souvent hélas ! perçu à travers le prisme déformant de l’islamisme radical ou de la violence, il est nécessaire de rappeler la place exceptionnelle que cette immense civilisation – à travers sa littérature et ses arts, voire ses textes sacrés et sa jurisprudence – a parfois accordée aux thèmes de l’amour et de la sexualité. Si, aujourd’hui, on ne retient que l’extrême rigueur des mœurs, la perpétuation d’un ordre androcentré, d’une attitude excessivement moralisatrice, voire sexiste, ou encore l’oppression imposée aux femmes par des courants et des Etats néofondamentalistes (des talibans aux wahhabites), on ne saurait oublier l’autre visage de l’islam : l’érotisme d’une partie non négligeable de sa littérature et de sa poésie, sa légitimation du plaisir et du désir, le raffinement et la liberté avec lesquels le sujet de la sexualité fut abondamment abordé. Les Occidentaux qui découvrirent les sociétés musulmanes furent en effet tous fascinés (ou scandalisés) par une foi qui vénère ouvertement le désir, une tradition qui voue un véritable culte au corps, au souci de soi, à la satisfaction des sens et des plaisirs considérés comme des dons de Dieu. Ni l’amour ni la sensualité, ni la jouissance charnelle ni l’enchantement des corps et des sens ne furent stigmatisés. Au contraire, du Coran, texte révélé qui n’élude nullement la problématique des relations entre sexes, du parcours d’un Prophète qui n’hésitait pas à réfléchir, à haute voix, mais aussi avec beaucoup de pondération, de réalisme et de subtilité, aux thèmes du désir et de la jouissance charnelle, à l’élégie orgiaque qui fonde les Mille et Une Nuits, des Grandes Odes de la poésie anté-islamique (al-Mu‘allaqât) aux Hadîths des exégèses, des Maqâmât aux traités soufis ou encore aux nombreux manuels d’érotologie… tout un art d’aimer a jalonné la culture islamique : arabe, persane, turque, etc. Et, en ce qui concerne la situation actuelle de la femme, qui focalise tant les préjugés – mais aussi, et surtout, les combats pour l’émancipation –, il convient de se défaire de toute vision essentialiste d’une religion qui surdéterminerait les comportements des musulmans. D’un pays à l’autre, d’une époque à l’autre, d’une classe sociale à l’autre, le statut de la femme, ses droits et son mode de vie varient considérablement. En outre, loin d’être un tout compact et uniforme, les sociétés musulmanes – comme toutes les sociétés du monde – sont composées d’individus attachés à la vie, à la liberté, au plaisir et à l’amour.

Dans ce domaine comme dans d’autres, point n’est besoin d’insister sur l’absolue exigence méthodologique suivante : se garder de toute lecture essentialiste et anhistorique de la religion. Le credo religieux est loin de surdéterminer – partout et en tout temps – les manières de penser, les jugements et les comportements des musulmans. De Damas à Sarajevo, en passant par Samarkand ou Istanbul, le droit doit constamment innover (Ibdâ’) pour tenir compte de réalités locales extrêmement diverses. Il convient, surtout ici, de rejeter ces images d’Epinal, caricaturales à l’excès, qui réduisent le rapport de la civilisation islamique à la question de l’amour et de la sexualité aux couples binaires : frénésie orgiaque et ascétisme absolu, plaisir paroxystique et relégation de la femme, copulation et Djihâd ! Les réalités des sociétés musulmanes, nécessairement plurielles, subtiles et évolutives, recouvrent un immense éventail d’attitudes. On n’a pas simplement, d’un côté, les talibans et leur système de terreur et d’enfermement des femmes (interdiction de s’éduquer, de se soigner ou de se divertir, viol et lapidation des téméraires qui osent sortir sans burqa), et de l’autre, la danse du ventre des night clubs pour jeunesse dorée ; d’un côté, les fatwas interdisant des œuvres littéraires universelles, stigmatisant le principe de plaisir, ou tentant de légitimer (comme dans les maquis des gia notamment) le viol barbare, voire le meurtre, des mères, filles et fillettes enlevées à leurs familles (Zawâj al-Mout‘a) et de l’autre, cet âge d’or (désormais révolu) des jardins et des harems, des parfums et des épices, de l’ébullition des sens et des étreintes, le temps par exemple des Abbassides à Bagdad (8e–11e siècle) – en particulier, sous le plus illustre de leurs califes : Haroun al-Rachid (766-809) !

Une religion aux antipodes de l’ascétisme

Aux yeux de la plupart des islamologues, l’islam reste la religion qui a probablement abordé le thème de la sexualité avec le moins de tabous et le plus de liberté(1), une religion qui consacra une large part de son intérêt aux plaisirs charnels, voua un véritable culte à la jouissance, exalta le corps, et vénéra le désir considéré comme un don divin. Aussi, chez de nombreux jurisconsultes et théologiens, l’amour était-il considéré comme une obligation ; il devait s’accomplir au nom de Dieu, afin d’engendrer certes, mais aussi pour jouir ; le concept qui signale le mariage religieux (nikâh) n’est-il pas celui-là même qui désigne le coït ? C’est même le coït qui est la raison principale du mariage ! Le plaisir charnel et sensuel fut donc, en tout temps, célébré – pour ne pas dire vivement recommandé – par la tradition musulmane, dès lors – insisteront les gardiens jaloux de l’ordre et des normes religieuses – qu’il s’inscrit dans le cadre d’une union légitime. Ainsi que le rappelle Aziz al-Azmeh notamment, si l’on excepte certaines initiations ou retraites dévotionnelles (khalwa) pratiquées par des courants soufis, l’islam en général dissuade plutôt de toute forme d’ascétisme de longue durée, comme de toute pénitence charnelle. Il n’est donc pas faux de dire que le «renoncement à la chair» et au plaisir, propre à certaines tendances du christianisme ou des spiritualités orientales, est étranger à cette religion ; la vie monastique – non exempte parfois de formes de mortification du corps – a souvent été raillée par les auteurs musulmans, qui la considèrent comme contraire à la volonté divine. Pour ces auteurs, l’islam suppose donc une reconnaissance pleine et entière du désir. L’amour (al-‘ishq) est une «condition naturelle» ; le seul vrai remède à la passion amoureuse reste la «consommation sexuelle» (dans un cadre codifié, évidemment). Mieux : le plaisir sexuel préserve l’espèce et constitue une manifestation de la grâce divine(2). Tout le texte coranique peut être lu et médité comme une «louange au Créateur», une «ode à la beauté de ses créatures»(3).

Aux antipodes donc de la bigoterie et des imprécations furieuses de nombre de fuqahâ’ actuels, qui entretiennent l’illusion de lui être absolument fidèles, Muhammad, le Prophète de l’islam lui-même –modèle et exemple emblématique par excellence pour tous les musulmans –, n’avait, semble-t-il, rien d’une figure rigoriste et austère ; il n’avait point prêché une religiosité de l’expiation ou de l’ascèse(4). Et dans le Coran, les notions de culpabilité et de péché sont pour ainsi dire inexistantes. La faute originelle n’y est point imputée à Eve, mais d’une part, à Satan (Shaytân), d’autre part, à la capacité de l’homme de faire du mal, encore qu’au regard du principe de responsabilité, ce dernier, s’il se repent, peut être pardonné. Ainsi que le rapporte la Tradition, le Prophète de l’islam a très souvent fait montre de magnanimité, d’aménité et de pardon devant maintes situations où il devait trancher sur ces questions.
Quant aux plaisirs de la chair, ils n’y sont point forcément condamnés – même si l’éthique coranique peut aussi être considérée comme une mise en garde contre la «tentation de la séduction», contre les excès du plaisir et de l’ostentation, et une exhortation en faveur du respect du rôle premier de la «mère», du code de bonne conduite et de préservation de la famille. Et si l’islam assigne au plaisir des lois, c’est pour garantir l’ordre de la Cité : éviter les dérèglements, maîtriser le désir océanique qui risque de submerger l’individu. Mais cela ne signifie nullement abstinence, car le corps et l’esprit ne font qu’un. C’est dire que le musulman peut-être un bon croyant et un bon pratiquant sans refuser les jouissances charnelles, pourvu qu’il se conforme à une certaine éthique(5). En particulier, le Coran et le Prophète recommandent aux musulmans le respect exigeant de la femme, de sa dignité et de son autonomie. C’est ainsi qu’il a été amené à lui garantir des droits (témoignage, héritage, divorce, délibérations), et, en particulier, à codifier sévèrement la polygamie(6), ce qui a représenté pour les mœurs de l’époque un immense progrès et une incroyable révolution !

L’art d’aimer : moralistes et poètes

A côté des textes canoniques et du parcours prophétique, il existe, dans la culture arabo-musulmane, un imaginaire amoureux d’une fabuleuse richesse(7). Un tel imaginaire s’était épanoui évidemment avant l’islam, y compris chez les Arabes bédouins. Les Arabes n’ont-ils pas une centaine de noms pour dire l’amour(8) ? C’est surtout pendant la période où l’islam va connaître la prodigieuse expansion que l’on connaît, devenant une civilisation essentiellement citadine, qu’une culture de la passion amoureuse, de la galanterie et de la séduction, du libertinage et de l’érotisme va se déployer, notamment à travers la littérature romanesque et la poésie, mais aussi la jurisprudence ou l’éthique, voire la médecine. Il convient cependant – ainsi que le rappelle Jamel Eddine Bencheikh – de distinguer les œuvres des moralistes de celles des poètes notamment. Les premiers ont essayé d’élaborer une éthique sexuelle destinée principalement à édifier le croyant, qui doit, dès lors, mener une «vie vertueuse». En particulier parce que la problématique du pouvoir était devenue cruciale dans un Dâr al-Islâm rapidement transformé en un vaste empire s’étendant de l’Inde à l’Espagne, ils tentèrent d’élaborer une morale permettant d’éviter que les Princes ne se laissent égarer par la passion amoureuse. La jubilation du «trop de sexe» engendre son contraire : l’angoisse de la «dissolution des mœurs», la peur de la négation des vertus élémentaires qui fondent la civilisation arabo-islamique. Ainsi, s’il n’y avait pas de péché de chair, les relations sexuelles furent cependant scrupuleusement codifiées. Les moralistes établirent notamment une distinction nette entre l’union licite (nikâh) et l’union illicite ou adultère (zinâ), interdit qui repose fondamentalement – compte tenu des mœurs de l’époque – sur le respect dû à la dignité de la femme et sur son égalité avec l’homme.

Mais, à côté de cette éthique, a toujours existé une littérature libre et une poésie amoureuse. En particulier – comme le rappelle fort opportunément Jamel Eddine Bencheikh –, les notions de raffinement, d’amour courtois (dharf) contribuèrent à penser et à fonder de nouvelles formes de sociabilité et un art d’exister, qui touchent aux rapports à soi et à autrui, au maniement du langage, à la définition des attitudes. C’est dans ce cadre que se développe très tôt un courant de poésie amoureuse, illustré notamment par l’œuvre d’un Ibn al-Ahnaf (m. en 808) et de plusieurs poètes andalous. La poésie mystique, en particulier, va se nourrir de cette inspiration profane originelle. Elle est dédiée à l’Etre non présent. Vers Lui s’élève notre âme, abandonnant le corps, dans un désir brûlant de se fondre dans Son essence supérieure. On retrouve, à propos de cette ivresse, l’utilisation par les mystiques d’odes bachiques profanes, dont le lexique et les symboles sont utilisés par un Al-Hallâj, supplicié en 922, l’ascète Ibn al-Fârid (m. en 1235) ou encore le grand mystique Ibn al-‘Arabî (m. en 1240)(9)…

Le statut de la femme

Ainsi qu’on l’a dit précédemment, la femme est omniprésente dans la vie du Prophète ; il lui confie ses pensées, ses tourments, ses projets, voire les déploiements mêmes de sa prédication – ce fut le cas en particulier pour la «mère des musulmans» : Khadidja (m. en 619). Du temps du Prophète et de ses Compagnons, les femmes jouaient un rôle – social, spirituel et politique – considérable ; nombre d’entre elles assistaient, par exemple, aux assemblées délibératives des musulmans, y compris du vivant du Prophète ; ce fut une période de grande tolérance entre hommes et femmes, et de mixité, y compris dans les lieux de culte(10).
Si le Coran, Livre révélé et sacré, est identique pour tous les musulmans, il a fait l’objet, dès le début – y compris peu de temps après la mort de Muhammad, au moment de sa recension sous le califat de ‘Omar puis sous celui de ‘Uthmân –, et tout au long de l’histoire musulmane, de diverses lectures et interprétations. C’est pourquoi, d’une contrée à l’autre du vaste monde musulman et d’une époque historique à l’autre, la question de la sexualité ou celle du statut de la femme ont été posées de manière fort distinctes.
Les aspects obscurantistes (haine de l’érotisme et de l’amour, marginalisation sexiste et juridiquement codifiée des femmes) ne sont apparus que plus tard, notamment avec la fermeture progressive des portes de l’Ijtihâd et l’érection, aux quatre coins du vaste Empire, de Palais somptueux dans lesquels des califes et potentats enfermèrent leurs nombreuses esclaves et concubines (jawârî), organisant bien souvent orgies et saturnales gigantesques, confortant l’imagerie d’une religion faite d’un mélange confus de suavité extrême et de puritanisme absolu. De cette période nous vient, en effet, l’image occidentale, complètement caricaturale, partielle et partiale, d’un monde musulman où le sexe était à la fois enfermé mais triomphant dans la débauche, ce qui évidemment était loin d’être le cas pour l’immense majorité des pauvres, pour lesquels, les soucis matériels aidant, c’était la règle du mariage monogamique qui prédominait, comme aujourd’hui d’ailleurs.

Avec la modernité – ses promesses et ses innombrables et traumatisants échecs –, la peur de l’amour et du sexe (ou plutôt leur dévoiement) est à nouveau instrumentalisée, pour se muer invariablement en haine de la femme. Cette stigmatisation de la femme – alliée à la thématique plus générale de dénonciation de la «dilution des mœurs», caractéristique supposée définir la dérive du monde moderne – fait partie de la psychologie profonde du néofondamentaliste. L’intériorisation du sentiment de «menace» explique que les groupes néofondamentalistes – phénomènes que l’on peut évidemment observer dans toutes les religions et sociétés, pas seulement islamiques (militants extrémistes hindous, ultra-orthodoxes juifs, néofondamentalistes américains, intégristes catholiques en Europe, etc.(11)) – soient parfois enclins à embrasser des interprétations pour le moins délirantes : si les valeurs sont à tel point minées, il doit y avoir une «conspiration» étrangère et/ou une «corruption» endogène du corps social. Le véritable facteur responsable de cette déliquescence – en ce qui concerne les sociétés extra-occidentales du moins – est… «l’occidentalisation du monde». On connaît par cœur un tel «diagnostic», au moins depuis le célèbre Jalons sur la Route (Ma‘âlim Fî al-Tarîq) de Sayyed Qotb : l’état de «décadence morale» de la société occidentale s’expliquerait par le fait qu’elle n’est plus dirigée par une vérité normative assurée, ni par un idéal spirituel transcendant. Dans une telle perspective, qu’il s’agisse des fondamentalistes hindous, juifs, protestants, catholiques ou musulmans, tous voient dans l’occidentalisation des élites une des sources principales de la crise de civilisation et du profond malaise identitaire. Prenant acte de la chute morale de la société occidentale et de sa profonde corruption des sociétés islamiques traditionnelles, les islamistes radicaux, eux, la jugent anti-musulmane (kufr). Dans une telle perspective, la femme cristallise les peurs et les ressentiments.

Si donc, comme on l’a rappelé, l’éthique coranique et la prédication prophétique insistèrent très souvent sur l’égalité spirituelle des deux sexes, historiquement, ni les théologiens ni les jurisconsultes ni les responsables politiques n’ont majoritairement su inscrire cette égalité dans le droit, encore moins dans les faits. Au contraire, ils mirent l’accent sur la «prééminence de l’homme» et imposèrent une vision étriquée de la «pudeur», de sorte que tout un imaginaire «machiste» et paternaliste – qui, évidemment, existait bien avant l’islam, dans des sociétés à la fois «segmentées», tribales et claniques, et «holistes» – s’est accentué, ouvrant la voie à la plupart des discriminations et humiliations actuelles.

Refuser toute lecture essentialiste

A dire vrai, la question de l’émancipation de la femme – au sens où nous l’entendons aujourd’hui – n’a été posée clairement par aucune des grandes religions(12). L’égalité moderne des droits, le contrôle des naissances, l’avortement, le divorce n’ont été imposés aux Eglises que fort tardivement par diverses associations de femmes, à l’issue de combats très anciens(13). De leur côté, les sociétés du vaste monde musulman sont loin d’être restées insensibles à ces combats. Depuis les décolonisations au moins, elles ont à peu près toutes connu des évolutions – pour ne pas dire des séismes – importantes ayant débouché en maints endroits (même si on est très loin du compte) notamment sur : l’accès des filles à l’éducation scolaire et universitaire, l’élévation de l’âge du mariage, le recul de la polygamie, la réduction du nombre d’enfants par femme en âge de féconder, la diffusion des moyens de contraception, etc. Dans le domaine politique, d’aucuns remarquent, à juste titre, qu’en terre d’Islam, les femmes ont même réussi à obtenir le droit de vote en Turquie bien avant la France. Alors que le cas s’est finalement, jusqu’à présent, assez peu présenté en Europe même (surtout latine), des femmes musulmanes ont déjà dirigé des gouvernements, comme au Pakistan (Benazir Bhutto), en Turquie (Tançu Ciller), en Indonésie (Megawati Sukarnoputri) ou au Bangladesh (Khaleda Zia face au leader féminin de l’opposition Hassina Wajed). Il est hélas ! vrai qu’à chaque fois que les questions du Code familial ou de la condition des femmes ont été posées dans l’espace public, des religieux conservateurs liés aux pouvoirs ou des militants néofondamentalistes contestataires ont tout fait, au nom de l’islam, pour empêcher l’évolution du droit et des mentalités. Mais, à côté des mouvements progressistes et laïques, des courants réformateurs (islâh) ont pu, eux aussi, invoquer une autre lecture de l’islam pour justifier des choix qui étaient aux antipodes de ceux des conservateurs.

Sur cette question – comme sur bien d’autres («Islam et modernité», «Islam et laïcité», «Islam et démocratie», etc.) –, il ne me semble donc pas judicieux d’incriminer la religion en général. Il convient bien plutôt d’analyser les sociétés concrètes avec leurs contradictions, leurs dynamiques propres, leurs luttes, les multiples interprétations et formes de pratiques religieuses qu’elles produisent, au lieu de donner de l’islam pris globalement l’image univoque d’une religion prétendument intolérante et absolument incompatible avec l’émancipation des femmes et avec la modernité. Les aspirations aux changements qui se sont toujours exprimées en terre d’Islam, les dynamiques profondément endogènes et variées ainsi que la pluralité des projets et des points de vue sur toutes les questions de société contredisent cette vision erronée d’une «culture islamique» immuable, intangible, intemporelle, rétive à l’innovation et aux libertés. Au lieu d’enfermer l’islam dans une «spécificité» parfaitement abusive et de réprouver en bloc ses valeurs religieuses, présentées de manière abstraite et anhistorique, il convient de tenir compte des conditions historiques et sociologiques d’élaboration des discours et des pratiques religieuses, ainsi que des mécanismes d’évolution, complexes, multiples et changeants, auxquels ces sociétés sont soumises au même titre que toutes les autres.
Il n’en demeure pas moins que, globalement, la situation juridique et sociale actuelle de la femme musulmane – bien qu’elle ait sensiblement évolué ces dernières décennies grâce aux combats audacieux menés par les femmes et les courants modernistes – demeure bien en deçà d’une reconnaissance effective de l’égalité des sexes et d’une réelle émancipation féminine. Certains responsables religieux et courants de l’islamisme radical jouent à cet égard un rôle néfaste par leur pression sur les juristes et les hommes politiques, visant de plus en plus à les contraindre d’adopter des mesures contraires à la mixité, au travail professionnel des femmes, à leur accès aux postes de responsabilité.

Crise sociale et inhibition de l’amour dans les sociétés contemporaines

Si donc, comme on vient de le voir, le thème de l’amour occupait dans la vaste littérature du Dâr al-Islâm une place de choix, celui-ci est loin d’être omniprésent et visible dans la vie quotidienne actuelle. Au sein des sociétés musulmanes contemporaines, prises au piège des difficultés économiques, des malaises identitaires et de statuts réducteurs à l’égard des femmes, l’amour, dans ses multiples facettes, semble être allé en déclinant, en s’inhibant. On a l’impression parfois qu’une chape de pudeur semble avoir couvert nombre de pays musulmans ravagés par l’ordre moral néofondamentaliste. Comme le remarque très pertinemment Abdelwahab Meddeb : «(Un des effets) de la réislamisation est visible à travers la transformation du corps social dans son rapport aux plaisirs et à la jouissance. La société islamique est passée d’une tradition hédoniste, fondée sur l’amour de la vie, à une réalité pudibonde, pleine de haine contre la sensualité. La pruderie est devenue critère de respectabilité. Pullulent dans les théâtres urbains les Tartuffe et autres bigots ou cagots. La ville aménage ses scènes pour ôter au corps ses droits, conséquence du ressentiment et de son enracinement dans les âmes des semi-lettrés qui sont légion. Les rues, rébarbatives en leur bâti neuf, négligentes, irrespectueuses de la fabuleuse mémoire architecturale, gagnent en laideur lorsqu’elles sont traversées par des corps balourds, coupé du souci de soi ; l’esthétique se retira dès que fut abolie la séduction dans la relation entre les sexes. L’entretien de la beauté comme sa mise en valeur sont à leur tour forclos»(14).

De son côté, la sociologue marocaine Soumaya Naamane Guessous, dans un article intitulé justement : «L’amour retenu»(15) notait : «Il m’a été rarement permis de voir l’amour s’exprimer autour de moi. Je vois, ajoute-t-elle, de très nombreux couples, mais je ne vois pas l’amour». Cet amour, qui se décèle notamment dans les regards, les paroles (exprimer verbalement le sentiment amoureux) et les gestes de tendresse, le contact avec l’être aimé (se tenir la main, se caresser…), on ne le voit que chez de très rares couples. Evidemment, la crise socio-économique – en particulier celle du logement – joue ici un rôle néfaste ; la majorité des jeunes (célibataires ou en couple) sont des infortunés ne disposant pas d’un toit, d’un refuge, pour faire de leur amour platonique une union physique. Mais Soumaya Naamane Guessous fait remarquer – à partir des nombreuses «confessions» d’hommes et de femmes qu’elle a pu interroger – que même les couples légitimes qui disposent d’un foyer ne se touchent que dans le lit, lors du «devoir» conjugal nocturne. Les règles de pudeur interdisent toute démonstration extérieure de l’amour. Ici, la frontière entre espace privé et espace public est scrupuleusement délimitée. Même pour exprimer verbalement les sentiments que l’on ressent vis-à-vis de l’être aimé, le langage – en particulier les dialectes – reste d’une pauvreté affligeante. A cause notamment de certains films égyptiens, tout un vocabulaire amoureux est dévalorisé, tourné en dérision !
Trop souvent, l’expression par l’homme de ses sentiments amoureux est considérée comme une «faiblesse», dans une société où ce dernier se définit d’abord par sa «virilité». Quant à la femme – a constaté Soumaya Naamane Guessous –, elle doit endurcir son cœur et garder toujours à l’esprit que les relations amoureuses et a fortiori les relations sexuelles sont condamnées hors mariage. La société permet la sexualité prémaritale des hommes (aventures), tout en condamnant celle des femmes, traitées de «femmes aux mœurs légères». Et dans un contexte de crise sociale – pour ne pas dire de frustration maximale –, aux yeux de beaucoup de femmes, l’homme «idéal» est celui qui a les moyens de subvenir à leurs besoins, autrement dit celui qui présente des garanties matérielles fiables (un travail, un logement séparé de celui de ses parents, etc.) ; l’amour vient au second plan.

Pourtant, le problème n’est pas tant la religion en soi que la lecture qu’en font ceux qui, à tel ou tel moment de l’histoire, ont la charge de l’élaborer, de l’interpréter et de la diffuser, ainsi que leur aptitude aux évolutions. Le devenir de l’islam n’est nullement inscrit, une fois pour toutes, dans les débats doctrinaux des siècles passés, ni dans un déterminisme de type culturaliste. Ce devenir dépend bien plutôt des efforts que les musulmans, dans la diversité de leurs sensibilités, déploient pour maîtriser les contraintes et défis des temps présents et tracer leur propre chemin vers la modernité, notamment pour inscrire la différence – et l’égalité – des sexes dans l’espace public, sous forme d’égal accès à l’éducation, aux loisirs, à toutes les professions, et à la libre disposition de sa pensée et de son corps. D’une manière générale, l’égalité entre l’homme et la femme, mais aussi le passage à la démocratie sociale et politique, l’institution de la citoyenneté et la promotion de la laïcité sont tributaires de combats politiques et intellectuels menés par tous ceux et toutes celles – et ils sont nombreux – qui envisagent de concilier le riche héritage de leur civilisation avec les idéaux de progrès et de liberté.

Abderrahim Lamchichi

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Notes :
1. Le texte coranique et la Tradition prophétique ont condamné le célibat, sacralisé le mariage: «Vos femmes sont pour vous un champ de labour. Allez à votre champ comme vous le voudrez», affirme en effet le Coran (sourate 2, verset 223). Ce dernier va même jusqu’à codifier les préliminaires de l’acte amoureux, recommandant notamment aux maris «baisers et douces paroles» plutôt que de «se jeter sur sa femme comme le font les bêtes». Faire jouir sa femme est même un devoir pour le croyant, et des dispositions permettent à l’épouse d’obtenir le divorce en cas d’impuissance du mari ou si celui-ci s’abstient de tout rapport sexuel pendant quatre mois. Lire en particulier : Abdelwahab Bouhdiba, La sexualité en Islam, PUF, 1975, rééd. Quadrige. Et de Malek Chebel, L’Encyclopédie de l’Amour en Islam (Payot), Le corps dans la tradition au Maghreb (PUF), L’esprit de sérail (Lieu Commun et Payot), L’imaginaire arabo-musulman (PUF), Le livre des séductions (Payot), La féminisation du monde (Payot), Le Traité du raffinement (Payot) ou encore Histoire de la circoncision (Balland).
2. Al-Azmeh ajoute que des textes piétistes comme ceux d’Al-Ghazâlî (m. en 1111) ou d’Ibn Qayyim al-Jawziyya (m. en 1350) ne cessent d’affirmer que le plaisir sexuel dans le cadre d’une union légitime ne représente qu’un pâle avant-goût de la volupté à venir au paradis. Lire Aziz al-Azmeh : «Rhétorique des sens. Une réflexion sur les récits du paradis musulman», in Fethi Benslama et Nadia Tazi (dir.), La virilité en Islam, Intersignes, Editions de l’Aube, 1998 ; p.75-90.
3. Comme l’a bien souligné Abdelwahab Bouhdiba, le Coran abonde en versets décrivant la genèse de la vie fondée sur la copulation, loi universelle par excellence, et appréhendant les rapports entre hommes et femmes aussi sous l’angle de l’amour physique, charnel en particulier. La sexualité occupe une position centrale dans le processus de renouvellement de la création et de la reproduction des espèces. La dualité (ou bipartition) (zawj, azwâj) est considérée comme le signe du miracle divin ; la sexualité en tant que mise en relation du mâle et de la femelle est saisie comme un acte relevant de la volonté divine (Coran, LI, 49 ; XXXVI, 36, notamment) : «La relation sexuelle en couple, écrit Abdelwahab Bouhdiba, reprend et amplifie un ordre cosmique et la déborde de toutes parts : la procréation réédite la création ; l’amour est un mime de l’acte créateur de Dieu». Les rapports sexuels sont à la fois des rapports de complémentarité et de jouissance (Coran : les Femmes IV, 1 ; A‘râf VII, 186 et 189 ; les Croyants XXIII, 12-17 ; les Groupes XXXIX, 8 ; l’Etoile LIII, 45 sq ; Noé LXXI, 13-14 ; les Messagères LXXVII, 20-21, la Résurrection LXXV, 37-38 ; la Génisse II, 183-187, etc.). «Non seulement l’œuvre de chair est licite, conforme à la volonté de Dieu, et à l’ordre du monde, mais, ajoute Bouhdiba, elle est le signe même de la puissance divine. Elle est le miracle renouvelé et permanent». Abdelwahab Bouhdiba, La sexualité en Islam, op. cit.
4. Il affirmait aimer – parmi les choses de ce bas monde – la compagnie des femmes et la jouissance charnelle. Selon un Hadîth célèbre, Muhammad confiait à ses disciples : «Je rends grâce à Dieu pour m’avoir, de votre monde, fait aimer les femmes, les parfums et la prière». Lors de ses exploits spirituels et guerriers, Muhammad a toujours une femme à ses côtés. Par amour ou alliance diplomatique, il en consommera huit, après la mort de sa première épouse Khadija, en 619. Au Mont Hira, où Dieu lui dicte le Coran (602), c’est Khadija qui est le premier témoin de la révélation. Sa vie n’a-t-elle pas été, en effet, traversée d’attachements passionnés à de nombreuses femmes : depuis Khadija, sa première épouse, figure maternelle par excellence, à Aïcha à laquelle le lie la passion amoureuse ?
5. Dans la vision coranique du monde, écrit Abdelwahab Bouhdiba, l’amour physique débouche directement sur l’ordre communautaire ; l’amour physique est appelé à se spiritualiser en se transcendant dans le collectif. Dès que le couple se forme en effet apparaît aussitôt et nécessairement la distinction fondamentale du public et du privé. La sexualité est présence à mon corps, mais présence aussi au corps d’autrui. La sexualité est dépassement de la solitude. Elle est appel à autrui et cela dès le niveau charnel. Etant d’essence collective, la relation sexuelle doit être réglée dans son usage réel. D’où, par exemple, l’importance de la notion de al-‘awra : la pudeur ou, plus exactement, la nudité. Abdelwahab Bouhdiba, op.cit. L’entrée dans la vie sociale et toute relation interhumaine impliquent la pudeur. Le corps est ‘awra (nudité ou ce qui reste à découvrir), autrement dit, ce qui est caché et touche aussi bien le corps que la vie privée. Cette notion de pudeur délimite les espaces du public et du privé et porte en elle la distinction fondamentale entre l’intimité de l’espace domestique et l’espace de la Cité. Mais cette sacralisation de la pudeur a pu être poussée loin par certains fondamentalistes qui refusent la mixité et l’émancipation féminine.
6. Le Coran affirme : «Epousez comme il vous plaira deux, trois ou quatre femmes, mais, si vous craignez de n’être pas équitables, prenez-en une seule…»
7. Angélisme bédouin ou bédouinité primitive (comme dans Qays, Majnoûn Laylâ, sans oublier un ‘Umar Ibn Abî-Rabî‘a : 644-711), extase mystique, libertinage de poètes (qui, à Bagdad, Koufa ou Cordoue notamment chantèrent le vin, les femmes, voire l’homosexualité), épîtres d’éthique, romans de la passion amoureuse, donnent lieu à un corpus amoureux qui va de l’apologie de l’amour pur (les poètes ‘udhrites) aux manuels d’érotologie (Nafzâwî par exemple), des séances de louanges (chez les soufis) aux anecdotes irrévérencieuses (chez un Abû Nawwâs en l’occurrence), des codes, recettes et autres stratégies de séduction cachées (al-Tifâshî) aux cours publics d’éducation sexuelle et de médecine soignant par amour (Avicenne, Ibn Sînâ)… Tawq al-Hamâma (Le Collier de la Colombe) d’un Ibn Hazm (994-1064) par exemple est un véritable classique du genre, comme le Livre de l’amour d’Al-Ghazâlî ou le Traité de l’amour d’Ibn ‘Arabî, ou encore Rawdat al-Muhibbîn wa Nuzhat al-Mushtâqîn (Paradis des amoureux et promenade des amants) d’un Ibn Qawwim al-Jawziyya (1292-1350), qui analyse le lexique arabe de l’amour et exprime la nature, les phases, les effets de la passion amoureuse. Lire en particulier l’entretien de Thierry Fabre et de Fethi Benslama avec Jamel Eddine Bencheikh, p. 20-24. Lire aussi sa très belle traduction de La Volupté d’en mourir. Conte de ‘Alî ben Bakkâr et Shams an-Nahâr, tiré des Mille & Une Nuits, Interprétation graphique : Nja Mahdaoui, Paris, Editions Alternatives, 2001. Lire également de Malek Chebel la très complète et passionnante Encyclopédie de l’amour en Islam, Payot, 1995.
8. Malek Chebel (textes) et Lassaâd Métoui (calligraphie), Les Cent Noms de l’Amour, Editions Alternatives, 2001.
9. Ainsi que le dit Jamel Eddine Bencheikh, cet islam mystique considère que la beauté est un attribut de Dieu, la sexualité un acte de foi et va jusqu’à proclamer martyr celui qui aime et meurt d’amour. L’amour est humain ; c’est une transposition sur terre de l’Amour divin. Car «l’être même de Dieu, affirme le grand mystique Ibn al-‘Arabî (m. en 1240), est fondé sur l’Amour». L’amour (al-‘Ishq) exprime une respiration nécessaire à l’être. «Celui qui aime (‘ashiqa), dit un hadîth (controversé), reste chaste et meurt, meurt en martyr de la foi !» ; op.cit.
10. D’une manière générale, l’histoire musulmane est jalonnée de figures féminines célèbres ; il y eut des femmes guerrières légendaires, des poétesses glorieuses et de riches commerçantes. Dans l’histoire du soufisme par exemple, des femmes tiennent une place importante : Râbi‘a al-‘Adawiyya (721-801), ancienne courtisane, a été la première à chanter l’amour divin. Il faut citer également Yasminah de Marchena et Fatimah de Cordoue, qui furent les guides de l’illustre Ibn al-‘Arabî, et Nizâm, qui lui inspira des poèmes enflammés ; il faut citer également Fakhr al-Nisa, l’une des nombreuses femmes disciples de Jalâlu al-Dîn al-Rûmî, ou plus récemment, Ferina Ana ou Zeneb Hatun, inspiratrices du soufisme turc… Lire Fatima Mernissi, Le Harem politique, Editions Complexe, et «Islam, ce que vous devez savoir», numéro spécial de la revue Actualité des Religions ; encadré «La place des femmes» ; p. 24.
11. Dans une vaste littérature, lire notamment le récent et très stimulant : Jean-François Mayer, Les Fondamentalismes, Georg Editeur, novembre 2001.
12. Ainsi que le remarque, très justement, Henri Tincq : le théologien néohanbalite Ibn Taïmiyya ou le prédicateur puritain de l’Arabie (devenue depuis saoudite) Mohamad Ibn ‘Abd al-Wahhâb partagent à peu près le même point de vue (puritain et réactionnaire) sur le sujet que le grand théologien chrétien d’Afrique Tertullien (155-220), l’apôtre Paul, saint Augustin ou encore Luther. Le Monde (dossier L’Islam et les femmes), 16-17 décembre 2001; p. 14.
13. Lire notamment : Michelle Perrot (dir.), Histoire des femmes en Occident, vol. IV et V (XIXe et XXe siècles), Plon, 1991. Geneviève Fraisse, La controverse des sexes, PUF, Quadrige, 2001. Geneviève Fraisse, La famille et la Cité, Gallimard, Folio, 2001. Françoise Héritier, Masculin/Féminin. La pensée de la différence, Odile Jacob, 1996. Ou encore Sylviane Agacinski, Politique des sexes (Précédé de Mise au point sur la mixité), nouvelle édition Points/Seuil, 2001.
14. Abdelwahab Meddeb, La maladie de l’islam, Seuil, 2002 ; p. 135 et suiv.
15. Soumaya Naamane Guessous : «L’amour retenu», in Quantara : De l’Amour et des Arabes, n° 18, janvier-mars 1996 ; p. 42-45. Elle est également l’auteur d’une excellente étude sur la sexualité de la femme marocaine, intitulée Au-delà de toute pudeur, Eddif, Maroc, 1988.

* Per gentile concessione della rivista francese "Confluences Mèditerranèe n° 41 della primavera 2002, Editions L'Harmattan", Paris.


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Numero 16
giugno 2002










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